31/03/2022

CLARA ARPA, PRÉSIDENTE DU PACTE MONDIAL DES NATIONS UNIES : «NOUS AVONS BESOIN D’UN CHANGEMENT DE MENTALITÉ»

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Clara Arpa Azofra, présidente du Pacte mondial des Nations unies en Espagne, présente Isabel Guerra, une femme « exceptionnelle, de faible constitution et qui porte l’habit religieux ».

Je suis la deuxième génération d’une entreprise familiale, caractéristique du tissu entrepreneurial espagnol, fondée dans les années 1960 par un père particulièrement entreprenant et visionnaire.

Pendant toutes ces années, ma famille s’est consacrée à consolider la société et à en assurer la continuité avec abnégation et persévérance, à l’instar de toutes les personnes qui y ont travaillé, laissant leur empreinte et leur savoir-faire.

Nous avons traversé plusieurs crises au cours de ces 50 années et nous espérons que, même si pour le moment les vents ne sont pas favorables et sont relativement instables, nous parviendrons à continuer à naviguer pour être utiles à celles et ceux qui nous soutiennent et nous aident par leur travail, leurs efforts et leur persévérance pour sortir de cette tempête.

La tâche n’est pas aisée, mais notre engagement est fort et, avec ténacité et sacrifice, nous espérons qu’il portera ses fruits. Nous devons désormais changer de cap et prendre les bonnes décisions. Virer de bord n’est pas facile dans un environnement aussi hostile et il nous faut pour cela nous adapter aux vents changeants. Pour l’heure, l’avenir nous semble incertain et il nous paraît en quelque sorte très lointain.

Depuis la pandémie de la Covid-19 à laquelle nous avons été confrontés il y a deux ans, nous pensions que les choses ne pouvaient pas empirer, que viendrait, à moyen terme, le jour où tout serait de nouveau comme avant. Cette situation s’éloigne de jour en jour.

Durabilité et développement

La future réalité ne sera plus comme avant et il faudra nous y adapter jour après jour. Nous devons profiter de ces circonstances pour tirer les leçons de cette marche forcée à laquelle nous avons été soumis pour faire les choses autrement. Nous devons fuir du « nous avons toujours fait comme ça ». Et je me demande si ce « toujours » fait référence aux 10, 20, 30 ou 50 dernières années.

Quand j’étais petite, je me souviens que les bouteilles en verre vides étaient ramenées au magasin, que les chaussures étaient confiées au cordonnier pour qu’il y ajoute des demi-semelles, on voyait des coudières sur les pulls ainsi que des genouillères sur les pantalons...

« Si ce n’est pas durable, ce n’est pas du développement »

Les appareils électroménagers étaient réparés au magasin du quartier. Il y avait bien évidemment des merceries et des couturières, ainsi que des boutiques vendant des pelotes de laine de toutes les couleurs pour tricoter des bonnets, des écharpes et des pulls qui duraient toute une vie. Il y avait des chiffonniers et des brocanteurs qui recyclaient chaque mois ce que le concierge récupérait auprès de tous les voisins. Je pourrais remplir toute la page d’exemples. Bref, la culture du « j’utilise, je jette » n’existait pas.

Je suis adepte de la devise « si ce n’est pas durable, ce n’est pas du développement ». Au cours des 70 dernières années, la société s’est développée comme jamais auparavant, comme dans aucune des décennies précédentes. Nous avons assisté à la plus forte croissance démographique jamais atteinte, plus de 5 milliards d’habitants ces 70 dernières années. Le niveau des ressources dont nous avons eu besoin pour atteindre le chiffre actuel s’est multiplié de façon exponentielle.

À l’heure actuelle, et selon la méthodologie du « jour de dépassement », qui calcule les besoins annuels de la population mondiale en ressources naturelles, il nous faudrait deux planètes et demie. On estime que nous serons plus de 8 milliards aux alentours de 2030 et un peu plus de 10 milliards d’ici 2050.

Crises et changements

Nous sommes confrontés à une crise sanitaire, à une crise des transports, à une crise de matières premières, à une crise énergétique…

Et, selon les experts, nous souffrons également d’une situation d’insécurité en Europe que nous n’avions pas connue depuis la Seconde Guerre mondiale. Ce revirement auquel je me réfère en tant que société doit nous mettre face à notre propre changement. Un changement qui doit véritablement impliquer toute la société, chacun prenant en charge son propre comportement pour le mener à bien.

Les choses ne seront plus comme avant, tout comme nous, en tant que société. Et il va bien sûr nous falloir réapprendre. Mais réapprendre quoi ? Premièrement, apprendre à abandonner et à réduire notre consommation de ressources, à nous comporter de manière plus efficace dans leur utilisation et, deuxièmement, apprendre de nouveau à utiliser ces outils qui nous permettent d’être plus efficients.

Nous nous formons à des compétences et disciplines jusqu’alors inconnues. Pour celles et ceux d’entre nous qui ont un certain âge et qui sont analogiques, il nous est difficile de nous adapter à la numérisation. Mais la numérisation ne consiste pas seulement à taper rapidement sur un clavier tactile, ni à savoir gérer des applications sur un smartphone en plus ou moins grande quantité.

Nous devons faire face à un environnement quelque peu inconfortable pour la plupart, mais extrêmement utile pour maîtriser des compétences numériques qui nous permettent de faire parler des machines entre elles, les rendant capables d’utiliser plus efficacement les ressources. En cela, l’intelligence artificielle et le traitement des données servent le même objectif.

Le pacte vert pour l’Europe

Nous devons contrôler les activités industrielles, urbaines, personnelles... pour surveiller dans un premier temps puis pour continuer à réduire les gaz à effet de serre jusqu’au zéro émission. Nous bénéficions des transformations proposées par l’Europe en 2020 avec le pacte vert pour l’Europe. Des leviers de changement vis-à-vis des secteurs économiques qui feront de l’Europe du milieu du siècle une Europe verte et numérique.

Utilisons ce qui nous est offert, à savoir l’air et le soleil, pour produire notre propre énergie et rechercher notre indépendance, même si cela signifie renoncer à des ressources et les économiser pour les rendre plus efficaces. Aidons les équipes de personnes à s’adapter, aidons les personnes actives à se recycler et encourageons-les à s’impliquer dans leur propre avenir, ne serait-ce que parce que plus il y a de formation et d’adaptation, plus le travail est valorisé et stable.

Pour tout cela, nous avons besoin d’un changement de mentalité. Nous avons besoin de formation. Nous avons besoin d’être convaincus pour mettre le meilleur de cette société à notre service, que nos actions, aussi bien individuelles que collectives, s’alignent sur ce changement profond dont nous avons besoin pour inverser la tendance. Toute la société ensemble, impliquée, comme une seule personne, pour poursuivre un seul objectif.

Il faut que toutes les personnes qui travaillent, celles qui ont une capacité de décision, qui possèdent une certaine influence dans différents secteurs d’activité, s’engagent à agir sur la transformation pour que, ensemble, nous puissions opérer ce revirement, ce changement de cap pour sortir du « nous avons toujours fait comme ça » et passer à une production et consommation responsables.

L’Agenda 2030 et les ODD

J’ai la chance d’être membre du conseil d’administration du Pacte mondial des Nations unies (UNGC) et d’être sa présidente en Espagne. Cela m’offre la perspective et la possibilité de travailler en étroite collaboration avec la communauté internationale dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 au sein des secteurs économiques et, en particulier, dans le secteur privé.

L’Agenda n’en est pas moins un outil pour atteindre les Objectifs de développement durable publiés en 2015. Ces objectifs seront en vigueur jusqu’en 2030, après quoi nous ne savons pas avec certitude ce que nous aurons réalisé et ce que cet avenir nous réserve, un avenir perçu comme lointain à compter de cet horizon.

Parmi ces objectifs, tous prioritaires et transversaux, le numéro 12, celui de la consommation et production responsables, est à mon sens celui qui devrait être le plus plébiscité.

Si nous parvenons à agir de manière responsable tant sur le plan professionnel que personnel, si nous faisons abstraction des clients qui donnent priorité au prix du bien ou du service proposé aux consommateurs, si nous avons la capacité d’exercer notre force d’acheteurs en faisant des choix responsables concernant des aspects sur lesquels nous pouvons exercer une influence en tant que citoyens et si, selon les experts, le consommateur est bien celui qui décide… nous pouvons inverser la tendance et parvenir, malgré les énormes difficultés, à sortir de cette tempête en adoptant une autre attitude, en nous fixant un autre objectif et en traçant une nouvelle voie.

« L’heure du vrai changement est venue »

Comme l’a dit ma collègue Cristina Aranda dans un article précédent, « il est temps d’opérer un vrai changement ». Formons-nous dans toutes ces disciplines nouvelles et nécessaires, faisons-le sans crainte, engageons-nous, en tant qu’individus et par notre comportement, à exercer une influence sur le changement du quotidien. Rassemblons tout le monde, soyons divers et misons sur ce qui nous appartient, essayons en tant que société, en tant qu’individus, que personne ne soit laissé pour compte.

« Le temps est venu de changer pour de bon »

Comme je l’ai dit au début de l’article, je fais partie d’une société familiale, l’une des trois millions de petites et moyennes entreprises qui composent le tissu industriel de notre pays. Je me considère comme une femme d’affaires pur sang et j’aimerais que la prochaine génération, qui, je n’en doute pas un seul instant, sera une génération merveilleuse, mieux préparée et mieux adaptée, trouve ce nouvel avenir vert et numérique, grâce à notre capacité à avoir su nous extirper de notre tempête, et qu’elle soit prête à affronter courageusement et sans peur ses propres tempêtes futures.

Et sans plus tarder, je vous présente le prochain maillon de notre chaîne, Isabel Guerra, une femme surprenante.

Premièrement, pour son statut d’artiste. Quelque chose de si sublime nous amène à penser qu’une personne capable de créer ce bijou artistique ne peut pas être terrestre.

Deuxièmement, en raison de sa personnalité. Force, fermeté et cohérence, telles sont les trois qualités qui pourraient la définir, très rares chez une personne, voire à la limite du surnaturel.

Troisièmement, vous ne penseriez jamais que quelque chose comme ça, si exceptionnel, avec ce caractère aussi confiant, puisse émaner d’une femme de faible constitution et qui porte l’habit religieux. Isabel Guerra fait partie de ces personnes que je suis extrêmement fière de connaître et dont je souhaite partager la rencontre.

*Clara Arpa Azofra, PDG d’ARPA Equipos Móviles de Campaña et présidente du Pacte mondial des Nations unies.

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